ISBN: 978-2-89419-121-7
Beauport, mercredi 1er avril 1987. – Petite lettre à Marie-Andrée. On va bien voir si elle m’aime, moi aussi. «9 h, de la neige partout ce matin malgré un temps gris de 20˚C hier, de toute façon cela ne m’étonne pas du tout, je n’ai pas encore vu un bec de canard sauvage ni une plume d’oie blanche, les animaux ne mentent pas, eux, nous aurons donc de l’hiver en avril et tant et aussi longtemps que ces oiseaux-là ne seront pas revenus du grand Nord. Marie-Andrée. Je fais des calculs. Nous courons, mon Journal et moi, à la catastrophe. Voici un préalable: une page écrite à la main de mon Journal = une page imprimée dans la remarquable édition Tisseyre. Or, ces derniers mois, j’ai atteint le rythme de 80 pages les 3 semaines. Il y a 52 semaines dans une année. Je divise 52 par 3 pour en multiplier le résultat par 80 pour un total de 1387 pages. Or, tu le sais peut-être, un volume de mon Journal dans l’exhaustive version Tisseyre contient en moyenne 354 pages. En d’autres mots, Marie-Andrée, ce sont 4 volumes de mon Journal que Pierre Tisseyre va maintenant devoir publier chaque année. Question: quand vas-tu donc te décider à créer la petite fondation pour moi. Et puis, n’est-ce-pas, il faut prévoir le jour où ce ne sont pas 4 mais 6 ou 8 volumes qu’on devra me publier chaque année toujours. Vas-tu m’abandonner. Mais soyons royéristes toi et moi: et si tu demandais à Gaston de nous refiler le fonds Émile-Nelligan qui contient, je crois, plus d’un million de dollars (moi je me charge de convaincre Jean-Paul L’Allier qui administre cela avec lui; quant à Pierre Vadeboncœur l’autre administrateur qui écrit comme il dort, il n’y verra que du feu). J’attends ta réponse. Je t’embrasse. Jean-Pierre. P.S. Le ticket de métro ci-joint est le dernier. Je n’en ai plus. Je n’ai plus rien.»
1997, 362 p.