J’écrirai bientôt une pièce sur les nègres… est une pièce éclatée qui avec un aplomb remarquable, prend la mesure du désarroi de la génération de l’après-référendum de 1980. Danny Gaucher, approchant la trentaine, est le «nègre» d’Henri Poisson, un dramaturge en vue. Mais l’écrivain mercenaire vient d’écrire une pièce (qu’il entend signer cette fois de son nom) qui raconte ironiquement comment un jeune romancier, Gaucher, a kidnappé un éditeur, Poisson, après avoir essuyé de sa part un refus de publier. La structure dramatique se dédouble: on voit le romancier entreprendre de lire intégralement son roman, Danny-les-Vidanges, à l’éditeur, solidement ligoté sur sa chaise. À leur tour, les personnages du roman intègrent l’espace scénique: Danny un auteur dramatique qui, par dépit, s’est fait éboueur, vit avec Édith une relation tendue. Son oncle, Henri, fait irruption chez lui un 24 juin dans l’intention de sermonner son neveu sur la cause nationaliste. Dans l’enchevêtrement de ces trois univers, Bastarache, un prisonnier politique dont la voix hante la conscience de Danny Gaucher, réclame de jouer un rôle dans son histoire… Pièce gigogne, J’écrirai bientôt une pièce sur les nègres… charrie, dans une langue percutante, le riche limon des malaises d’une collectivité écartelée entre les rêves québécois et américain.

Coll. «Théâtre», n° 7

1990, 138 p., ill.