Château-Richer, lundi 6 décembre 1993. – Me voilà seul avec moi-même et mon chien, Démon, mon petit démon qui est de moins en moins du monde contrairement à ce que dit son nom si on le lit de droite à gauche. Mais que m’importe, il défend son espace, il protège son maître. On n’a pas idée. La nuit, il a pris l’habitude de se coller contre mes fesses. Je regrette que ce soit l’hiver. Je l’emmènerais nager dans l’eau du fleuve comme il aimait tant le faire à la fin de l’été. Des matins cette eau était aussi calme et onctueuse que peut l’être celle d’un lac. La marée, si sauvage quand elle monte, prend une éternité à descendre. C’est dans ces moments-là que nous allions durant des heures la fréquenter, l’admirer. Et je me suis souvent demandé si du haut des hélicoptères qui passaient au-dessus de nous on se donnait la peine de nous regarder. Sans doute pas. Qu’ont à foutre les gens d’un petit chien noir et feu qui nage dans un fleuve grand comme la mer. Rien.

1998, 128 p.