À partir du moment où sa silhouette se découpe sur l’horizon, tout notre paysage culturel se modifie. Aimé, consacré, suspecté, rejeté, de Saint-Denys Garneau est celui qui ose s’aventurer dans le labyrinthe des mots pour voir au-delà des apparences. Par sa sensibilité, sa curiosité, sa fragilité, son audace, il nous fait don d’un événement qui témoigne de son écartèlement tragique entre deux mondes irréconciliables.

Après L’obsession du mal – un essai biographique sur Garneau –, François Charron récidive par une étude de l’œuvre poétique. Empruntant au domaine de l’inconscient, La part incertaine nous explique combien de Saint-Denys Garneau, cet être inquiet, hanté par les figures du désir, du mal, du vide, de Dieu, de la mort, de l’étranger, reste fondamentalement travaillé par l’aspiration à une impossible rupture libératrice.

À même sa vie qu’ils éclairent et qu’ils bouleversent, ses poèmes nous montrent ce qu’il en coûte de vouloir interroger les simulacres institués de la misère de son temps. Dépouillement radical de ce grand blessé de la vérité, écrit Charron, sa parole à découvert s’expose à des peurs archaïques qui nous habitent tous au plus secret de nous-mêmes. À l’encontre de l’abrutissement social actuellement en cours, sommes-nous prêts, enfin, à entendre la crise d’une telle pensée?

2005, 312 p.